dimanche 2 octobre 2011

En commentant... Hans Urs von Balthasar, La déception de Dieu


Vingt- septième Dimanche du temps ordinaire, année A
Is 5,1-7 ; Ph 4,6-9 ; Mt 21,33-43
1. Refus de l'envoyé de Dieu. Sans aucun doute la parabole des « mauvais vignerons » a été prononcée d'abord à propos du comportement d'Israël dans l'histoire du salut : les serviteurs envoyés par le propriétaire de la vigne pour s'en faire remettre les fruits sont certainement les prophètes, dont les exigences pour Dieu sont méprisées et qui sont mis à mort par les vignerons égoïstes. Mais la parabole ne se trouverait pas dans le Nouveau Testament, si elle ne concernait en rien l'Église. Celle-ci est, comme le dit la dernière phrase, le peuple auquel est remis le Royaume de Dieu enlevé à Israël, afin que Dieu reçoive enfin le fruit attendu. Demandons-nous s'il le reçoit réellement de l'Église, telle que nous la représentons. Il l'obtient des serviteurs envoyés dans l'Église, avant tout les saints chargés de mission (canonisés ou non), mais la question qui nous est adressée demeure : comment l'Église les a-t-elle reçus, et comment les reçoit-elle encore ? Le plus souvent mal, très souvent pas du tout ; beaucoup (parmi eux aussi des papes, des évêques, des prêtres) vivent un martyre au sein de l'Église elle-même : refus, suspicion, moquerie et mépris. Et si on les canonise pour cela après leur mort, combien de fois leur image est-elle faussée selon les désirs des gens : Augustin devient le promoteur de la persécution des hérétiques, François un enthousiaste de la nature, Ignace un stratège rusé, etc. La parole de Jésus reste vraie à travers les temps : « Un prophète n'est méprisé que dans sa patrie, dans sa parenté et dans sa maison » (Mc 6,4). Et chacun dans l'Église doit se demander si la déception de Dieu à l'égard de la vigne qu'il a plantée – « j'en espérais du raisin, pourquoi seulement du verjus ? » – ne le concerne pas personnellement, lui qui est habitué à critiquer l'Église comme telle.
2. La déception de Dieu. Oui, la déception de Dieu ! A cause de la Synagogue et de l'Église, qui a constamment tendance à s'enfuir loin de lui, aujourd'hui peut-être plus que jamais, parce qu'elle croit, dans les questions de la foi, de la liturgie, de la morale, tout mieux savoir que Dieu avec sa révélation vieillie. L'Église qui, au lieu de le servir dans la louange et l'adoration, court toujours à nouveau après des dieux étrangers - la messe comme autosatisfaction de la communauté (à la fin, si la représentation a été satisfaisante, on applaudit), la prière comme hygiène de l'âme, le dogme comme archétype psychique, etc. Aussi alimente-t-elle le souci de Paul : « J'ai grand'peur qu'à l'exemple d'Ève, que le serpent séduisit par sa fourberie, vos pensées ne se corrompent et ne s'écartent de la simplicité envers le Christ » (2 Co 11,3). De même que de la Synagogue « un reste » est demeuré fidèle et sain (Rm 11,5) ainsi – et certainement encore bien plus – ce « saint reste », Marie, les saints, l'Église des vrais fidèles, subsistera toujours.
3. Le reste. Paul, qui se considère comme faisant partie de ce reste, donne, dans la seconde lecture, une description des dispositions qui y règnent ou doivent y régner. Et si pour l'Église infidèle c'est une agitation permanente, une manie de ce qui est le plus nouveau, le plus profitable temporellement, qui assure la meilleure propagande, qui prédomine, dans le reste fidèle, même malgré la persécution, ou justement dans la persécution, c'est « la paix de Dieu qui surpasse toute intelligence ». Et s'il promet à la communauté : « le Dieu de la paix sera avec vous », alors on reconnaîtra le vrai chrétien à cette paix qui règne en lui, même s'il déplore l'état du christianisme et fait partie des affamés et des altérés, qui sont déclarés bienheureux.
Hans Urs von Balthasar, in Lumière de la Parole